Rétrospective de l'année

Au cours des premiers mois qui ont suivi ma nomination, j'ai reçu plusieurs séances d'information de mon propre personnel et des fonctionnaires du CST, y compris des réunions avec le chef et son équipe exécutive, en vue de me préparer au travail que j'allais devoir faire. J'ai rencontré le ministre de la Défense nationale actuel, ainsi que son prédécesseur. J'ai également rencontré le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité et le coordonnateur de la sécurité et du renseignement, qui fait en outre fonction de conseiller en matière de sécurité nationale auprès du Premier ministre et de qui relève le chef du CST pour les questions d'opérations et de politique.

J'ai vite pris conscience de l'ensemble des défis auxquels sont confrontés le CST et le reste de la collectivité du renseignement compte tenu des menaces mondialisées qui ont des incidences sur les affaires internationales, sur la défense et sur la sécurité du Canada. Il est capital de surveiller ces menaces et de les comprendre; néanmoins, les efforts déployés dans ce sens ont été restreints ces dernières années par ce qui est devenu un réseau de plus en plus complexe de technologies de communication mondiale. Ce contexte présente en outre des défis importants pour ce qui est de la collecte de renseignements étrangers, qui constitue l'un des principaux mandats du CST1.

Ces défis et d'autres exigences nouvelles ont entraîné des modifications législatives et l'élaboration de nouveaux cadres juridiques qui devraient favoriser l'atteinte de deux objectifs, soit faciliter les activités des organismes de renseignement, et exiger que ceux-ci satisfassent à certaines normes et respectent certains seuils qui leur permettent de définir leurs activités et d'en rendre compte.

Parallèlement à l'évolution technologique visant à permettre la collecte de renseignements étrangers dans un contexte de communications mondiales de plus en plus large et complexe, il importe de mettre au point des technologies grâce auxquelles les organismes de renseignement pourront protéger les droits et la vie privée des Canadiens. Autrement dit, la technologie créée dans le but de tirer des renseignements de l'infrastructure mondiale d'information doit être complétée par une technologie pouvant être utilisée pour protéger la vie privée. C'est dans ce contexte que le besoin d'examen des activités du CST reste important.

À la lumière de ces faits, plusieurs questions générales liées à la collecte de renseignements étrangers ont attiré mon attention au cours de la dernière année; deux d'entre elles méritent d'être examinées ici.

Autorisations régissant la collecte de renseignements étrangers

Les besoins de renseignement du Canada, y compris ses priorités en matière de renseignements étrangers, sont établis annuellement par le Comité spécial sur les priorités en matière de renseignement (auparavant la Réunion des ministres sur la sécurité et le renseignement), que préside le Premier ministre. Plusieurs organismes fédéraux, dont le Centre de la sécurité des télécommunications, contribuent à répondre à ces priorités.

Pour remplir son mandat en matière de renseignements étrangers, le CST s'appuie sur la Loi sur la défense nationale (LDN2), qui l'habilite à « acquérir et utiliser l'information provenant de l'infrastructure mondiale d'information dans le but de fournir des renseignements étrangers, en conformité avec les priorités du gouvernement du Canada en matière de renseignement ». Lorsqu'il fait cela, le CST agit à titre de fournisseur principal de renseignements étrangers.

En vertu de la LDN, le CST aide en outre d'autres organismes fédéraux à remplir les fonctions que leur confère la loi. Dans ces cas, il fait fonction d'agent. Lorsqu'il apporte une aide technique et opérationnelle aux organismes fédéraux d'exécution de la loi et de sécurité, le CST est régi strictement par les modalités des autorisations régissant l'organisme principal, qui, dans certains cas, peuvent être un mandat de la Cour fédérale du Canada.

Ces deux rôles — celui de fournisseur principal et celui d'agent — ont été officialisés dans la loi en 2001, mais ils ne sont pas nouveaux pour le CST. Ce qui est nouveau, c'est le pouvoir que lui confère la LDN d'intercepter des communications privées, dans des conditions prescrites, s'il est autorisé à cette fin par le ministre de la Défense nationale3. Lorsqu'il possède une autorisation ministérielle, le CST peut intercepter et utiliser une communication ayant un rapport avec le Canada (c'est-à-dire une « communication privée ») acquise à l'occasion du ciblage d'une entité étrangère à l'étranger, pourvu qu'il satisfasse à certaines conditions énoncées dans la LDN. Cette disposition ajoute un nouveau pouvoir au cadre juridique à l'intérieur duquel les renseignements étrangers peuvent être acquis légalement.

À la suite de mon examen initial de certaines activités de collecte de renseignements étrangers, je me suis inquiété de ce que, dans certains cas, l'on ne tenait pas dûment compte des liens entre ces activités et les autorisations qui les régissent. J'ai donc été heureux d'apprendre que, au cours de la dernière année, on avait réexaminé les cadres juridiques mis à la disposition de la collectivité du renseignement aux fins de la collecte de renseignements étrangers, afin d'assurer que l'on avait pleinement tenu compte de toutes les autorisations disponibles avant d'autoriser les activités de renseignements étrangers. J'encourage le gouvernement à continuer d'agir dans ce sens.

Autorisations ministérielles

Par le passé, les gouvernements comptaient sur la collecte de renseignements dans le cadre de leurs efforts en vue de protéger et promouvoir les intérêts nationaux et de déceler et contrer les menaces planant sur ceux-ci. L'avènement de technologies nouvelles ainsi que les progrès révolutionnaires accomplis dans l'industrie des communications au cours de la dernière décennie ont entravé certaines formes traditionnelles de collecte de renseignements, dont celle du renseignement électromagnétique étranger effectuée par le CST.

Il n'y a pas si longtemps, la collecte de renseignements étrangers s'articulait autour de modes et de technologies de communication prévisibles. Elle pouvait par conséquent être effectuée à l'intérieur de cadres juridiques relativement bien définis. Ce contexte facilitait l'examen et l'évaluation des activités de collecte de ces renseignements. Au cours de la première année de mon mandat de commissaire du CST, toutefois, j'ai vite compris que ce n'est plus le cas. Les gouvernements ont dû réévaluer leur capacité de protéger les intérêts nationaux et de contrer des activités comme le terrorisme, qui menacent la sécurité nationale et internationale. Le Canada ne fait pas exception à cet égard.

De nouveaux mécanismes juridiques étaient nécessaires pour tenir compte de ce contexte en mutation. Les dispositions relatives à l'autorisation ministérielle (AM), ajoutées à la partie V.1 de la Loi sur la défense nationale en 2001, ont constitué l'une de ces réponses4.

Les technologies intégrées d'aujourd'hui écoulent différents genres de trafic et suivent des voies de communication complexes qui traversent les frontières internationales et mêlent les communications étrangères avec les communications privées. Les dispositions relatives à l'AM ne permettent pas au CST de cibler les Canadiens ni leurs communications. (Le CST n'a jamais été autorisé à faire cela.) Aujourd'hui, le CST est cependant mieux à même de s'acquitter de ses responsabilités en matière de renseignement étranger parce qu'il peut, avec le consentement du ministre, cibler les communications étrangères même si elles ont un lien avec le Canada. Je pense que peu de Canadiens se trouveraient en désaccord avec l'objet de cette disposition et le pouvoir qu'elle donne dans le contexte actuel de terrorisme et de menaces pour la sûreté et la sécurité des Canadiens.

Je suis à même d'affirmer que, depuis l'adoption de cette nouvelle mesure législative, le CST a exercé ce pouvoir. À titre de commissaire du CST, j'en comprends le besoin et j'en appuie l'objectif. Le paragraphe 273.65(8) de la LDN m'oblige à examiner les activités exercées par le CST en vertu d'une AM pour m'assurer qu'elles sont autorisées, et à faire rapport annuellement au ministre.

Je pense que les politiques, instruments et processus du CST doivent exiger et faciliter la gestion et la responsabilisation de toutes les activités qu'il exerce en vertu d'une AM, en particulier celles qui ont trait à l'interception de communications privées et à la sauvegarde de la vie privée des Canadiens. Bien que ce processus évolue, je peux déclarer que le CST a continué d'améliorer la structure de l'AM et en a renforcé les mécanismes de gestion et de responsabilisation.

Rapport de la vérificatrice générale du Canada

Le rapport de la vérificatrice générale daté de novembre 2003 a été déposé au Parlement le 11 février 2004. Le chapitre 10 de ce rapport — Autres observations de vérification — comprenait une note de vérification intitulée Les activités de surveillance indépendante visant les organismes de sécurité et de renseignement, qui disait ceci : « Il y a manque de cohérence quant au degré de surveillance et aux obligations de divulgation auxquels les organismes de sécurité et de renseignement sont soumis. »

La vérificatrice générale donnait à entendre que le rapport annuel du commissaire du CST devrait traiter, en plus de la conformité du CST à la loi, de sujets comme les questions de gestion ou les problèmes potentiels au CST. Je pense qu'un examen des rapports annuels publiés par mon bureau jusqu'ici révélera que ces sujets ont effectivement été abordés, car ils ont trait à deux des secteurs d'activité de l'organisme, soit la collecte de renseignements étrangers et la protection des systèmes et réseaux d'information du gouvernement.

Par exemple, ces dernières années, les examens ont mené à la formulation d'observations dans des domaines comme les activités de planification stratégique du CST, ses politiques, procédures et pratiques internes, et les cadres de gestion et de contrôle. Ces observations ont cependant toujours été faites dans le contexte de la légalité et des efforts déployés par le CST pour sauvegarder la vie privée des Canadiens.

Je pense que la teneur du rapport annuel public du commissaire du CST doit être déterminée par son mandat, qui est d'examiner les activités du CST et d'en faire rapport du point de vue de leur conformité à la loi, et de faire rapport annuellement au ministre de la Défense nationale de ses propres activités et de ses constatations.


1 La Loi sur la défense nationale définit les renseignements étrangers comme suit : renseignements sur les moyens, les intentions ou les activités d'un étranger, d'un État étranger, d'une organisation étrangère ou d'un groupe terroriste étranger et qui portent sur les affaires internationales, la défense ou la sécurité (partie V.1, article 273.61).

2 L.R.C. (1985), chap. N-5.

3 Les communications privées sont les communications de Canadiens ou de personnes se trouvant au Canada. Plus précisément, l'article 183 du Code criminel définit une communication privée comme suit : communication orale ou télécommunication dont l'auteur se trouve au Canada, ou destinée par celui-ci à une personne qui s'y trouve, et qui est faite dans des circonstances telles que son auteur peut raisonnablement s'attendre à ce qu'elle ne soit pas interceptée par un tiers. La présente définition vise également la communication radiotéléphonique traitée électroniquement ou autrement en vue d'empêcher sa réception en clair par une personne autre que celle à laquelle son auteur la destine.

4 La partie V.1 a été ajoutée à la Loi sur la défense nationale par la Loi antiterroriste, qui est entrée en vigueur le 24 décembre 2001. Avant de donner une autorisation, le ministre doit être convaincu que les quatre conditions énoncées au paragraphe 273.65(2) de la

  1. l'interception vise des entités étrangères situées à l'extérieur du Canada;
  2. les renseignements à obtenir ne peuvent raisonnablement être obtenus d'une autre manière;
  3. la valeur des renseignements étrangers que l'on espère obtenir grâce à l'interception justifie l'interception envisagée;
  4. il existe des mesures satisfaisantes pour protéger la vie privée des Canadiens et pour faire en sorte que les communications privées ne seront utilisées ou conservées que si elles sont essentielles aux affaires internationales, à la défense ou à la sécurité.
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